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Table ronde : Les rencontres d'experts
03/2022

Parce qu’il a fait preuve d’une résilience incroyable, le private equity est sorti renforcé de la crise Covid. Les montants investis et levés dépassent aujourd’hui toutes les anticipations d’avant crise. 2022 semblait parti sur la même dynamique avant que s’invite la crise russo-ukrainienne… Qu’en est-il vraiment ? Au cours de débats aussi riches que animés, 9 grands spécialistes du secteur, ayant traversé plusieurs crises et cumulant plus de 150 ans d’expérience cumulée ont accepté de confronter leur point de vue sur les conséquences de la crise et imaginer l’avenir du Private Equity. Morceaux choisis.



MdA : 2021 a été une année exceptionnelle pour le Private Equity à tout point de vue. La dynamique transactionnelle est-elle toujours aussi forte sur le LBO ?

Alban Neveux, Advention : Tout à fait, à date la situation n’a pas changé, et l’intensité autant que le volume d’activité restent aussi, voire plus importants qu’à la fin d’année 2021. Ce qui change, c’est sans doute la taille des opérations envisagées. Nous sommes désormais davantage sur le small et le mid cap que sur le large cap qui, faute de financement, est pour le moment pénalisé.

Vincent Delmas, KPMG : Il devient difficile d'avoir plus de 300 M€ de quantum de dette dans le marché actuel compte tenu des incertitudes liées à la crise ukrainienne. A cela s'ajoute le fait que la baisse des valorisations en bourse pourrait à terme avoir des impacts sur les multiples des deals à venir. Notez qu'à ce jour notre niveau d'activité n'a pourtant pas ralenti.

Pierre Decré, Parquest : Côté investisseur, la dynamique est également très forte. Et même sans précédent. Historiquement, on regardait en moyenne 120 deals par an. L’année dernière on en a regardé 150. Au 15 mars 2022, nous avons déjà étudié 50 deals en même pas trois mois. On voit une volumétrie énorme mais à qualité beaucoup plus diverse.

Bertrand Thimonier, Adviso Partners : C’est exactement cela. Je trouve que le marché s’est vraiment polarisé. Les actifs stars n’ont plus de prix. Par contre, les actifs B et C sont plus compliqués à vendre. Il faut sans doute plus de « touché de balle » pour les sortir. Dans ce contexte, les process doivent être travaillés plus en amont qu’à l’accoutumée.

Alban Neveux, Advention : Compte tenu du contexte géopolitique, ce qui peut surprendre c’est qu’aujourd’hui on ne voit pas de ralentissement majeur. Le “pipe” actuel reste très fourni et de nombreuses opérations sont programmées dans les prochains mois jusqu’en juin et juillet. Cependant, audelà du seul volume d’opérations, c’est plutôt la nature des opérations qui est en train d’évoluer : les secteurs très impactés par les évolutions des prix des matières premières et de l’énergie sont en fort ralentissement, tandis que des secteurs comme la technologie ou la santé continuent de bien se porter.

Guillaume Kuperfils, Mayer Brown : On n’a absolument pas atteint, pour le moment, la magnitude de la crise financière que nous avons traversée il y a plus de dix ans et où toute l’activité du LBO s’est arrêtée du jour au lendemain. Mais il y a quand même des deals qui ne seront pas lancés ou dont le processus sera arrêté compte tenu d’un contexte rendant les prévisions de cash flows très incertaines et très volatiles.



MdA : Justement, la guerre en Ukraine, avec ses conséquences sur les prix des matières premières et la croissance mondiale notamment, a-t-elle d’ores et déjà provoqué un ralentissement de l’activité M&A ?

Fabrice Scheer, Alantra :
Nous avons un volant d’affaires très important. Il y avait un stock en préparation dans la continuité de l’euphorie 2021, avec des espérances de valorisation élevées. Ce stock est toujours là. Bien sûr, sur certains sujets en préparation, nous allons effectivement devoir décaler les process. C’est le cas par exemple sur des industries énergivores ou des sociétés dépendantes de matières premières qui connaissent une forte inflation ou une rupture des approvisionnements. On doit s’adapter à la situation et anticiper.

Bertrand Thimonier, Adviso Partners : Je partage. A cette heure, nous ne constatons pas de tarissement du dealflow. Mais ce statu quo peut en partie s’expliquer par le fait que les opérations primaires ou les cessions issues des portefeuilles Smid Cap sont toujours programmées sur un horizon moyen de 6 mois, et donc que les deals en cours d’exécution ont été initiés avant le conflit. Même si les banques de financement répondent toujours présentes, les semaines qui viennent seront cruciales. Nous allons notamment être extrêmement vigilants sur l’évolution des comptes de résultat et des bilans des PME-ETI clientes ou prospects sous l’effet de la forte inflation du moment. La capacité des entreprises à y faire face conditionnera le lancement, ou non, de nouvelles transactions. Dans l’environnement actuel, notre rôle de conseil sera plus décisif que jamais, surtout dans un marché marqué ces dernières années par une envolée des valorisations et par une sélectivité accrue des investisseurs.
 

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