Après avoir baissé la garde pendant l'été, l'exécutif renforce de nouveau
les contraintes sanitaires face à l'évolution épidémique. Au prix d'arbitrages
difficiles - et changeants - pour préserver la fragile reprise économique.
Le Covid-19 est décidément
coriace. « Nous avons
réussi à endiguer le virus
et à presque retrouver une
vie normale, ça n'était pas une évidence
», se réjouissait Emmanuel
Macron le 14 juillet. Las, depuis le
23 septembre l'« alerte maximale »
a fait son retour dans certaines métropoles.
Le nouveau tour de vis du
6 octobre - bars fermés à Paris - pourrait être suivi par d'autres alors
que Lille, Toulouse, Grenoble, Lyon
s'approchent des seuils critiques.
Budget de crise pour 2021...
La deuxième vague est donc arrivée,
avec des indicateurs de circulation
du virus repartis dans le rouge qui
font remonter la tension dans les
hôpitaux et le retour
de contraintes sanitaires qui
plombent certains secteurs et
créent une incertitude délétère. Au
point que la Prix Nobel d'économie
Esther Duflo en est venue à recommander
un confinement national
préventif du 1er au 20 décembre
pour éviter de devoir « annuler »
Noël ! « Pas question de remettre le
pays sous cloche », assure-t-on du
côté du ministre de l'Economie, des
Finances et de la Relance Bruno
Le Maire, sorti de convalescence du Covid-19 à temps pour présenter un
budget de crise pour 2021. L'exécutif
veut à tout prix éviter de refaire
de l'économie la variable d'ajustement
face au péril sanitaire. Avec
des arbitrages d'autant plus compliqués
que, comme l'a montré la
fronde des élus locaux du Sud devant
les nouvelles restrictions, l'acceptabilité
sociale est plus mitigée
entre crainte du virus, peur de la
banqueroute et ras-le-bol des
contraintes au quotidien.
Pourtant, le bel été avait laissé espérer
un scénario plus rose. Les hôpitaux
s'étaient vidés et les Français,
grâce au généreux dispositif de chômage
partiel et dans l'euphorie du
déconfinement, avaient eu les moyens et l'envie de consommer. La
saison touristique a été sauvée, les
soldes se sont bien passés et les terrasses
étaient bondées. Résultat :
l'activité avait déjà retrouvé, fin
août, 95 % de son niveau d'avant
crise. A la rentrée, à condition de
porter le masque, nouvel accessoire
obligatoire,
dans les transports, à l'école, dans
les entreprises, tout repartirait
comme avant. La prévision du gouvernement
d'une récession de 10 %
en 2020 paraissait même pessimiste.
...et relance à long terme
C'est à ce moment que le plan de
relance de 100 milliards a été conçu.
Censé sonner l'heure de « l'investissement
pour la France de 2030 », il
fait la part belle aux mesures structurelles
comme la baisse des impôts
de production au nom de la compétitivité
des entreprises, et aux investissements
dans des secteurs d'avenir
comme la transition énergétique,
ou stratégiques comme la relocalisation
industrielle. Mais, depuis, le
climat a changé. L'inquiétude est
revenue devant l'emballement de
l'épidémie et, surtout, la reprise économique
commence à s'essouffler.
Côté ménages, l'Insee observe que
les achats par carte bancaire se tassent depuis la rentrée.
Côté entreprises, l'enquête mensuelle
menée par l'institut Markit
indique que les directeurs d'achat
revoient à la baisse leurs perspectives
de production, avec de
fortes disparités entre secteurs. Si
l'activité est repartie dans le bâtiment,
les machines-outils et les
services informatiques, les ventes
de voitures, après rattrapage, fléchissent.
Et d'autres secteurs
sont, eux, toujours englués,
comme l'aéronautique, « qui pèse
10 % de nos exports et devrait
donc aggraver lourdement notre
déficit commercial », prévient
Emmanuel Jessua, économiste de
Rexecode. Surtout, les contraintes
sanitaires continuent de grever
les activités de services, notamment
le tourisme, les loisirs, la
culture, l'événementiel.